La crise qui éclate dans les Balkans à propos du Kosovo au Printemps 1999 et qui aboutit à l'opération " Force Alliée " conduite par l'OTAN est une nouvelle occasion de
démontrer l'importance de la guerre électronique, et ce dans ses multiples dimensions. A ce propos, les forces françaises ont un rôle des plus actifs dans cette opération en
fournissant la première contribution européenne au côté des Etats-Unis en terme de forces engagées, tout en faisant preuve d'un effort important dans le domaine de l'action
humanitaire. Quelques chiffres résument cette implication des forces aériennes françaises : 1261 missions offensives conduites soit 12 % du total de l'OTAN, 21% des missions
de reconnaissance aérienne (330 missions sur un total de 1564 missions), 1500 tonnes de fret transportés par voie aérienne et maritime pour le soutien des réfugiés. En nombre de
missions aériennes, la France réalise ainsi 28% de l'effort total européen.
La Marine Nationale a un rôle actif à l'image du déploiement d'un groupe aéronaval articulé autour du porte-avions Foch embarquant des Super Etendard et d'un sous-marin nucléaire
d'attaque. Pour sa protection, le Foch sera escorté par une frégate de la Royal Navy, l'HMS Somerset.
Avec l'objectif de faire plier le régime de Milosevic sur la question du Kosovo, l'opération conduite par l'OTAN se caractérise par la volonté de maîtriser la violence et d'éviter
les dommages collatéraux. Côté Serbe, on observe, une défense aérienne très habile : systèmes sol-air mobiles, utilisation importante de radars civils, combattants
individuels armés de missiles portabkes à guidage infrarouge et dotés de radios portatives pour la coordination. Afin de tromper les attaques de l'OTAN, les forces serbes
déploient également des maquettes de systèmes de défense sol-air, le tout combiné à un emploi habile de l'arme médiatique et psychologique (sites Internet, manifestations de
civils sur les sites d'infrastructure, etc…).
Dans le domaine du renseignement électromagnétique, la France fournit d'important moyens avec son avion Sigint stratégique, le DC-8 Sarigue et ses C-160 Gabriel (30 missions
réalisées). Spécificité du dispositif français, l'Armée de l'Air met en œuvre des avions de reconnaissance Mirage F1-CR (156 missions) dotés de nacelles ASTAC, un système
spécialement conçu pour localiser et identifier les radars adverses. Par ailleurs, le sous-marin nucléaire d'attaque de la Marine Nationale posté au large de Kotor fera de
l'écoute. Pour cette mission assurée au profit de l'OTAN, ses capteurs ont permi de collecter des indicateurs sur le moral des forces serbes, l'activité radar, la détection des
mouvements aériens et le mouvement des unités navales. Les alliées apporteront eux aussi leurs moyens. C’est ainsi que les Etats-Unis mettront dans la balance des avions U-2 et
des appareils Sigint type RC-135 Rivet Joint et EP-3 Aries.
L'autoprotection des plates-formes (avions de combat et de transport, hélicoptères) constitue un aspect important de la réussite des raids menées dans la profondeur du dispositif
adverse. Tous les avions français sont dotés de moyens d'autoprotection : systèmes intégrés sur Mirage 2000 (Serval, Caméléon et lance-leurres Spirale), pod de brouillage
Barax sur Mirage F1 et Jaguar, pod d'autoprotection Barem sur Mirage IVP et Super Etendard. De plus, afin de perfectionner leur savoir-faire avant leur déploiement dans la zone
d'opération, les équipages français réalisent des missions d'entraînement au Polygone de Guerre Electronique, situé sur la frontière frano-allemande. Dans le cadre d'un
programme d'urgence, les hélicoptères radar Cougar Horizon déployés depuis la Macédoine par l'Armée de terre sont rapidement équipés de systèmes d'autoprotection Damien (détecteur
d'arrivée missiles) et Fruit (détecteur radar), couplés à des lance-leurres.
La guerre électronique française s'illustre aussi sous d'autres cocardes. Ainsi les F-16 des Forces Armées belges qui ont pris position sur la base italienne d'Amendola sont dotés
de systèmes d'alerte radar Carapace, dont l'usage est combiné au brouilleur radar américain AN/ALQ-131 et à des lances-leurres danois.
La missions de lutte antiradar (SEAD) souligne aussi son importance. En tout 4397 missions SEAD seront réalisées par les forces aériennes de l'OTAN. Dans ce domaine de lutte, les
Etats-Unis fourniront la plus grosse contribution avec des avions de guerre électronique offensive EA-6B Prowler et des chasseurs F-16 C/J armés de missiles AGM-88 HARM. L'US Air
Force agira aussi pour désorganiser le réseau de défense adverse en employant des EC-130 Hercules Compass Call spécialisés dans le brouillage des communications. Les britanniques
interviendront avec des Tornado IDS armés de missiles Alarm. De leurs côtés, les Allemands et les italiens effectueront des raids avec des Tornado ECR armés de missiles AGM-88
HARM. Bien que dépourvue de ce type de système dédié, la France participera à cette action SEAD par des missions de renseignement effectué depuis ses avions SIGINT et des raids
depuis des chasseurs-bombardiers Mirage 2000D et Jaguar armés de bombes guidés laser. L'efficacité de ce dispositif se mesure, comme l'écrit le Ministère de la défense français
" au regard de la sauvegarde du potentiel aérien et de la liberté d'action qu'il a procuré ". Selon lui également, " en contraignant les défenses serbes au silence
radar, l'effet dissuasif des missiles anti-radars tirés par les alliés a été important ".
Ce conflit est riche d'enseignements. Il confirme la nécessité de poursuivre les développements en matière de guerre électronique. La supériorité alliée en ce domaine a permi de
réaliser un total de 58 574 missions sur les 78 jours d'opérations pour la perte seulement de deux appareils (un F-117 et un F-16), alors que plus de 800 missiles ont été
tirés par la DCA serbe. Signalons aussi qu'un A-10 a été touché par un missile portable infra-rouge mais que l'avion a pu revenir sur un aéroport ami sans autre dommage. La perte
du F-117 montre que la furtivité structurelle n'est pas suffisante face aux défenses anti-aériennes adverses et que l'autoprotection d'une plate-forme doit aussi s'appuyer sur des
moyens d'autoprotection actifs. S'agissant du A-10, cet incident confirme la nécessité de poursuivre les développements en matière d'autoprotection face à la menace que font
porter les missiles légers à guidage infrarouge. Par le nombre de pays engagés, l'opération " Force Alliée " souligne aussi l'importance de l'intéropérabilité
interalliée entre systèmes de guerre électronique.
Guerre électronique, guerre psychologique et guerre médiatique sont un autre des volets importants du conflit du Kosovo. Comme durant la guerre du Golfe en 1999, les Etats-Unis
ont eu ici un rôle majeur qui s'est traduit par l'emploi d'avions EC-130 Commado Solo de l'US Air Force, véritable studio de radio et de télédiffusion volant. La France a
contribué à ces opérations en réalisant des messages qui ont été fournis à l'US Air Force pour rediffusion par les appareils américains.
Pour la France, les leçons tirés du conflit, en matière d'autoprotection, ont souligné le rôle des leurres tractés. L'autre enseignement révèle la nécessité de doter les forces de
nouveaux systèmes de lutte anti-radar aéroportés, d'où l'importance du démonstrateur de brouillage offensif Carbone, expérimenté durant les essais Mace X de l'OTAN en Août 2000.
Dans ce domaine, afin de neutraliser définitivement les défenses aériennes adverses, la France opte également pour l'emploi d'armes air-sol de précision combiné à une localisation
précise des menaces.
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UNE FORCE INDISPENSABLE A NOTRE DEFENSE
Multiplicateur de forces, la guerre électronique, bien que discrète, a une place majeure dans le dispositif de défense, et particulièrement dans les opérations aériennes, que ce
soit le renseignement, l'alerte ou l'autoprotection.
Parallèlement, la révolution de l'information a entraîné des conséquences sur notre environnement opérationnel. Suite aux boulversements géopolitiques de 1989, notre stratégie a
été réorientée vers l'action dans un cadre d'intervention de plus en plus souvent interarmée et international.
Les missions des armées françaises ont été redéfinies. Elles se caractérisent le plus souvent par des opérations de maintien de la paix lors de crises situées loin du territoire
national.
Dans ce nouveau contexte, la guerre électronique apporte un soutien indispensable à la prévention des crises, à la protection et à l'action de nos forces.
Pour la guerre électronique des communications, de nouveaux défis apparaissent. Le suivi de l'activité électronique permet de préciser l'imminence et les prémices d'une crise afin
de mettre en oeuvre les moyens pour la désamorcer.
On assiste à l'essor prodigieux des télécommunications tirées par des marchés civils et dont les techniques évoluent définitivement vers les transmissions numériques. Les forces
sont alors projetées dans un milieu marqué par une variété élevée de " cibles " civiles et militaires qui véhiculent des informations en quantité toujours
croissante.
En particulier, les situations de crise sont souvent marquées par une imbrication forte des moyens de communication civils et de systèmes de communication de commandement
militaire.
Ces moyens comprennent alors des radiocommunications HF, VHF ou UHF aéronautiques, des faisceaux hertziens...
Les analyses des conflits récents et les analyses prospectives démontrent que les missiles à guidage infrarouge constituent la menace prépondérante pour nos forces aériennes,
quels que soit les scénarios envisagés, air-air ou sol-air. Aussi, renforcer l'autoprotection des avions militaires en opération devient un impératif majeur dans les opérations
extérieures.
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